J’en garde encore une mémoire assez précise, je vivais à ce moment là à Saint Lunaire, je veux parler du 1er confinement celui de mars 2020. Avant cela, le terme de confinement n’était pas le plus employé dans nos civilisations occidentales pas plus que dans les autres pays du monde qu’ils soient développés ou pas d’ailleurs. Le confinement c’était un truc nouveau, la responsabilité à cette saleté de Covid. Je me souviens que l’origine était chinoise encore une autre façon de nous chercher des chinoiseries, les chinois comptaient déjà par milliers leurs morts et paniquaient grave. C’est eux qui avaient commencé par confiner, enfin confiner au vrai sens du terme pas un truc comme le confinement à l’européenne où on demande poliment au gens de rester chez eux, en s’adressant à eux comme des adultes qu’ils ne sont pas toujours au demeurant. Non les chinois, c’est confinement façon pays démocratique, réputation qui n’est plus à démontrer, avec la police qui est dans la rue à tout surveiller, à tout contrôler. Nous européens, nous regardions ça avec intérêt tout en continuant à voyager comme si tout allait bien et que le virus allait s’arrêter aux portes de l’Europe comme au temps de Tchernobyl, à accepter les marchandises et les avions comme si de rien n’était ou presque. Un peu l’histoire de la cigale et de la fourmi version « il y a un virus qui se balade » après la version « l’hiver sera rude ». Moralité, enfin il n’y a pas de moralité à cela, vous connaissez la suite, les milliers de morts partout dans le monde, le virus ne faisant pas de politique à frappé à la porte de tous les pays, s’imposant à nous, tuant à la volée.
Sur ce 1er confinement nous nous sommes adaptés, moi le premier parce que c’était nécessaire. J’ai appris à, travailler à la maison à la Fourberie, à regarder la mer de loin à travers la fenêtre, nous n’y avions plus accès, à faire des footings dans un rayon d’un kilomètre. J’ai fait attention à ne pas prendre de poids, je me suis remis à sauter à la corde, faire des pompes, il faut dire que j’avais plus de temps, moins de temps de transport pour aller au bureau. J’ai pris un abonnement sur une de ces grosses plateformes de série tv, repris la lecture de Arthur Miller « sexus » que j’avais abandonné il y a de nombreuses années, d’aucuns auraient dit qu’il me fallait titiller en moi quelque chose d’érotique, peut-être. Les journées étaient parfois longues, le soir j’applaudissais le personnel hospitalier qui se défonçait pour les autres. Dans le quartier pas d’immeuble, aussi mes applaudissements se perdaient souvent dans le vent de Nordet, nous n’étions pas nombreux aux balcons. Les maisons secondaires sur la côte étaient étonnamment remplies de leurs propriétaires parisiens qui avaient jugé bon de prendre la tangente*, les parisiens sont bons en géométrie quand ça les arrange. Afin de sortir un peu plus souvent j’ai acheté une laisse à mon chat afin d’aller le promener dans le quartier et de faire comme les autres qui promenaient leur animal de compagnie. Je n’ai jamais vu autant d’animaux dans les rues à se promener avec leurs maîtres, le refuge local de la SPA s’était fait dévaliser. Bon, pour ce qui est de mon chat, il a commencé par faire la tête quand je lui dis que nous irions nous promener avec la laisse, il a miaulé façon de dire qu’il n’avait pas besoin de moi pour ça, il a fallu que je déploie des trésors de patience pour le convaincre. Bilan le deal était le suivant, il était ok à condition que je passe sa nourriture au Shéba « sauce lover » et « creamy snacks » matin et soir. Il m’a dit : « gimme five » j’ai levé la main et frappé sa patte. C’était un bon deal pour nous deux. Je me suis retrouvé avec Hendrick’s, c’est son nom, à faire le tour du quartier, il faisait le malin la queue relevée à montrer sa pièce de dix sous à tous les ienches qui étaient aussi tenus en laisse, ces derniers rageaient et trouvaient que cette situation était inacceptable. Nous en profitions avec mon chat pour échanger sur la politique internationale et la gestion de la crise, de temps en temps nous abordions le livre d’Aristote, « l’éthique ».
Le 2nd confinement, j’ai moins aimé. Cette fois-ci ils avaient laissé les plages ouvertes afin de ménager l’illusion d’une liberté, il fallait faire attention à ne pas faire peur aux concitoyens, c’était par pure forme cependant, les gilets jaunes ne risquaient pas de redescendre dans la rue. L’hiver approchait gentiment, on ne parlait plus d’applaudir sur son balcon sans doute à cause du froid et pourtant ici sur la côte, les ieuves s’étaient mis à aller se baigner avec une eau à 14° et une température extérieure à 12°, une façon comme une autre de dire qu’ils étaient encore jeunes, une façon pour leurs proches de voir qu’ils perdaient la mémoire, les ieuves n’étaient-ils pas les plus à risque ?
Le 5ième confinement, c’était en mars 2022, nous commencions à connaitre la musique, mars et octobre de chaque année, nous avions le droit à un confinement. Le pays s’était adapté, l’économie beaucoup moins, l’objectif du déficit à 3% de chaque pays Européens était loin. Chaque pays faisait marcher la planche à billets. Lors du premier confinement nous avions découvert l’apéro en visio, nous n’avions jamais été aussi proche les uns des autres, nous qui étions loin de tous. Tout à coup nous avions du temps et des écrans pour nous rapprocher. Pour le second confinement, nous étions rentrés dans l’ordre, l’effet nouveauté de l’apéro visio ayant disparu, nous ployions l’échine, le vent de l’espoir avait disparu. A partir du cinquième confinement, on s’est remis tous à boire, le foie en a pris un coup, il fallait bien occuper son temps. Les librairies étaient depuis longtemps fermées, les stocks de livres disparus, chaque livre se vendait sur le marché noir une fortune. Le livre était devenue une monnaie d’échange, en tout cas pour les ceusses qui avaient une bibilothèque. Les Marc Lévy et autres Musso ou Bussy se vendaient facilement, c’était une monnaie d’échange parallèle, un Musso contre une bouteille de Maucaillou, l’auteur pouvait être fier. J’avais même réussi à vendre mon « sexus » à ma voisine parisienne, tout à coup très intéressée, voisine qui était venue s’installer définitivement sur la côte, lassée des tribulations de la capitale. Le « sexus » contre l’exemplaire d’Alain Peyrefitte, « quand la chine s’éveillera » était de circonstance, j’étais content.
Le 10ième confinement, on avait cette fois-ci définitivement pris des nouvelles habitudes, cela nous semblait naturel, il fallait réfléchir et faire appel à notre mémoire pour se rappeler comment c’était avant. Le gouvernement nous avait obligé à acheter pour les sorties, un boitier montre pour autoriser et surveiller les sorties, le boitier de téléportation pour les déplacements rapides était bien loin maintenant, quels gâchis. Le boitier nous donnait des autorisations d’accès aux magasins de première nécessité qui étaient entre temps passés sous « gestion » gouvernementale afin d’assurer des rentrées financières fiscales autres. En effet, les taxes sur le tabac ayant été multipliées par 50, les français s’étaient pour la majeur partie arrêtés de fumer d’autant que le cancer du poumon n’était plus remboursé par la sécu, la sécurité sociale ayant encore de façon abyssale agrandit son déficit à cause du Covid. La Balance commerciale extérieure de la France avait cependant repris du poil de la bête, plus de fabrication française, moins d’importation de pétrole, les voitures ne roulaient plus à cause des interdictions de circulation. Chaque jardin avait dorénavant son potager, les villes mettaient à disposition des personnes, tous les espaces verts pour faire pousser des carottes et des poireaux, d’aucuns parmi les plus enhardis faisaient pousser des fleurs.
Pour le 20ième confinement, c’était l’anniversaire de Mélenchon, ses 76 ans, il avait encore raté la dernière présidentielle, c’est ballot, une fois encore… il était dorénavant en lice pour battre Arlette Laguiller sur le nombre de candidatures ratées…mais même pour ça il ne remplacera pas notre Arlette et son capital sympathie, elle, elle en avait, je me demande dans quelle mesure « candidature ratée » n’est pas un pléonasme pour ces deux-là ! Pour une fois nous étions en août pour ce confinement, nous avions cette année là espéré que ça pourrait aller mieux, c’était le 1er confinement de l’année 2027. Nombre de couples n’avaient pas survécu à ces confinements, la sexualité de chacun était réduite à sa plus simple expression, avoir une maitresse ou un amant était devenu un luxe que seuls les plus fous, les plus intrépides, osaient. Les hug, les étreintes, les baisers jusqu’au serrage de main avaient depuis longtemps été bannis des us et coutumes, on se regardait de loin, on se touchait des yeux, comme ma mère me disait quand enfant, nous allions faire les courses au rayon gourmandises. Les rencontres ne se font plus depuis longtemps dans les bars ou restaurants, pas plus que lors des mariages, ces derniers étant de plus en plus rares, les habitudes sont bien ancrées dans les mœurs pour ce qui est des rencontres depuis que Jeff Bezos a détrôné le fameux Tinder avec son nouveau site de rencontre, « Aaaah… ma zone ».
Des années sont passées, je ne compte même plus les confinements. J’ai maintenant 55 ans, le premier confinement était il y a plus de vingt ans. Poutine vient d’annoncer qu’un laboratoire Russe a trouvé un vaccin au Covid. Sa femme depuis 2021, Mélania ex Trump, très élégante comme à son habitude dans un tailleur couleur parme, était à ses côtés lors de la conférence de presse. Elle souriait pour une fois.
Nous vous invitons à lire les truculents articles sur Tinder et sur la téléportation : https://leseditionsdelafourberie.wordpress.com/2020/03/27/tinder-un-avis-humoristique/ https://leseditionsdelafourberie.wordpress.com/2020/02/12/la-teleportation-voyager-comme-vous-voulez/
NDLR – Tangente* pour un parisien: En géométrie, une droite est dite tangente à un cercle lorsqu’elle ne le touche qu’en un seul point, endroit où elle a un angle avec vue sur mer avec la courbe et où elle est perpendiculaire à la plage