Heroes, la fameuse de chez fameuse chanson de David, il chantait: “I, I wish you could swim, Like the dolphins, like dolphins can swim, Though nothing, nothing will, keep us together, we can beat them, forever and ever, Oh we can be Heroes, just for one day…” mais vous et moi, nous tous ne sommes pas Bowie, non seulement nous n’avons pas sa voix, mais nous n’avons pas son style pas plus que la mèche blonde qui vole au vent. Pourtant, nous sommes peut-être dans une certaine mesure le héros de quelqu’un, allez savoir, tout est possible…
Depuis toujours, vous qui vous interdisez de chanter sous la douche pour ne pas casser les oreilles de votre moitié ou de vos enfants, vous vous seriez vu il y a quelques années dans les fringues de Bob Dylan, Neil Young ou Cat Stevens, de l’eau s’est écoulée sous les ponts et vos illusions sont parties au fil de la rivière comme chante Bruce. Pourtant, vous et moi, à défaut d’être un héros et d’avoir le statut officiel type Superman, Jeff Bezos ou Bar Rafaeli, nous avons aussi nos héros. Bizarrement, il n’y a pas d’âge pour cela, les héros sont autant faits pour les enfants que pour les adultes excepté que ce ne sont pas souvent les mêmes. La plupart du temps c’est quand même plus une histoire d’enfants… à croire qu’en prenant de la bouteille, on perd ses illusions ou ses rêves dans une premier temps et plus tard, plus vieux, quand la mémoire vient à jouer des tours, on perd cette fois-ci ses dernières chimères de personnages mythiques et souvenez-vous, même Balavoine le criait bien fort dans sa chanson.
Enfant, votre premier héros sera le personnage de bande dessinée, enfin je parle des années où vous étiez enfant dans les années 70 ou 80, car après les personnages qui vous faisaient rêver étaient plutôt ceux des séries de dessins animés plus facile à regarder enfoncé dans le canapé parental. Il ne faut pas se leurrer, pour les parents c’était une façon comme une autre d’être au calme, ces derniers collaient les gosses devant la tv et pouvaient à l’époque, être tranquille pour une heure ou deux, respirer, souffler, parfois avoir le temps d’un tête à tête. Vous, enfant, vous buviez les images délivrées à travers l’écran pas catholique mais cathodique, comme aimanté par cette fenêtre lumineuse aux images sans fin. Les filles rêvaient d’être la princesse machin-chose et les garçons voulaient être joueur de foot ou pilote automobile. Dans la cour de récréation les échanges se faisaient autour des buts de Johnny Rep, de la façon de jouer de Castaneda, de Gérard Janvion ou encore du futur 1er ministre du foot mondial Platini. Dans les registres des héros, il y avait bien sûr Buzz et Neil un certain 21 juillet 1969, pour les filles, c’était Snoopy. Elles détestaient le Starsky à cause de la déco plouc de son auto et préféraient Superwoman… les garçons aussi mais pas pour les mêmes raisons car eux étaient “intrigués” par son costume et attendaient de comprendre comment elle faisait pour entrer dedans. Votre grand frère avait déjà trouvé Bowie dont le disque sur la platine commençait à souffrir à force de passages successifs, il avait un boulevard d’avance sur vous, vous qui lisiez les aventures d’un autre David mais Crockett celui-là, ou d’un lieutenant du nom de Blueberry magnifiquement dessiné par Giraud. Avec Bowie en fond musical, naturellement sans y prêter garde, vous apprenez déjà les paroles, c’est mieux que de dialoguer avec la jeune fille au pair de Glasgow qui a un peu trop de boutons sur le nez à votre goût d’enfant. Les jeunes filles ont aussi parfois leur père comme héros, mais ça ne dure jamais longtemps, elles lui préfèrent rapidement le garçon aux cheveux longs de 18 ans qui vient tondre la pelouse torse nu durant l’été. Il a la peau cuivrée, des yeux de chat, il hante les nuits des jeunes filles qui en discutent à la récréation en riant entre copines.
David chante: “we can be heroes just for one day”
Vous êtes adolescent, vous avez changé de héros, ce que vous ne savez pas, c’est que ce n’est que le début. Pêle-mêle vous admirez le gars qui s’illustre à Cuba, celui avec le béret et le cigare, le révolutionnaire et copain de Castro, celui que vous voyiez sur le tee-shirt de votre voisine de classe ce qui vous permet d’engager du reste la conversation d’un point de vue politique sur la lutte des classes. Cette fille, vous aviez compris son penchant politique, elle vous parlait de Kolkhozes et autres idées de la place du colonel Fabien, vous en profitiez pour regarder les arrondis sur le tee-shirt d’un peu plus près, vous aimeriez tellement toucher du bout du nez. Parmi les héros il y a aussi à l’époque quand vous êtes une fille, des Paul Newman ou Redford quand ils jouent dans Butch Cassidy, puis c’est au tour de Hasselhoff dans les années 80, remarquez que les garçons regardent aussi cette même série tv, eux sont préoccupés par la manière dont les filles aux maillots rouges secourent les nageurs en perdition, très impliqués que les garçons sont par la sécurité des nageurs, plus grand, c’est sûr, vous voulez être surveillant de plage.
David chante encore: “I, I will be king, And you, you will be queen…”
Dans le milieu sportif, milieu qui forge ses propres héros à coup de supports de publicité, la liste est longue, on trouve dans le désordre la reine de glace Surya Bonaly pendant que l’on a aussi toujours pour la reine, la petite cette fois, Hinault. Il y a aussi dans ces années-là des Borg ou Véronique et Davina, divines s’il en est. Bien des années avant il y avait Zatopek ou Jesse Owens, après il y aura des Karl Lewis. Avant encore il y avait Johnny Weissmuller dont d’aucuns se souviennent car il a joué le Tarzan d’hollywood, il y avait aussi l’homme au sept médailles d’or au jeu de Munich, le fameux Mark Spitz, le nageur à la moustache, la même que Magnum un autre héros à moins que… le vrai héros de la série tv ne soit finalement Higgins. Dans les supers mecs sportifs aussi, il y a bien sûr Stan Smith dont personne ne se souviendrait s’il n’avait pas été aussi marchand de chaussure, dans le golf, il y avait des Ballestéros, Nicklaus ou Norman, des Agassi pour le tennis à l’époque où il avait des cheveux et des Navratilova et son côté très garçon. Dans le domaine des voitures, les garçons aiment bien les voitures, il parait que c’est un substitut sexuel pour briller devant les filles, c’est peut-être pas faux… va savoir, il y avait des Fangio, Hill et Moss. Senna et plus tard Schumacher avaient fait parler la poudre malheureusement ce dernier excellait moins bien en ski. Dans le domaine de la politique on saluait à grand cri les élections de nos héros du quotidien à l’image de Giscard ou Reagan, tous les deux des fameux acteurs mais pas autant que notre ex président Chirac. Ockrent à la tv, jouait une nouvelle partition, les femmes allaient par le biais du petit écran avoir enfin une belle place, Simone Veil défend les droits fondamentaux, Gisèle Halimi allait faire parler d’elle et faire avancer les droits un peu comme Gisèle Bundchen quelques années plus tard dans un autre registre.
David Bowie continue: “I, I can remember (I remember)…”
Vous avez passé les vingt ans, vous êtes un garçon et découvrez que Clara Morgan est une sacrée actrice pendant que quelques filles s’ébaubissent devant Sarah Connor qui défend à elle seule le monde entier, d’autres regardent avec des yeux ronds Clooney qui reste plutôt beau gosse malgré les années qui passent et d’autant plus sexy qu’il est encore à cette époque-là célibataire. Il y a aussi bien sûr Pitt avec qui toutes les filles voulaient passer sept ans au Tibet, mais aussi Keanu Reeves pour les fans de surf pour apprendre comment il attrape la vague au peak.
… “Though nothing, nothing will keep us together”
Puis vous avez trente ans et votre héroïne, c’est la moitié avec laquelle vous vous êtes marié, elle est belle, elle sent bon le sable chaud, mais là où vous devenez un héros, c’est surtout quand trente ans plus tard vous fêtez vos noces de perles. Ce que vous ne savez pas, c’est que vous fêterez les noces d’or par la suite, et là… tous ceux dont on vient de faire la liste, ne sont rien à côté… de la roupie de sansonnet à côté de votre engagement, du regard que vous avez encore sur votre épouse. Oui, cela fait 50 ans qu’elle s’occupe de tout pour que vous soyez un coq en pâte mais vous faites aussi beaucoup pour elle et comme dit L’Oréal, elle le vaut bien. Vous avez fait de votre mieux non seulement pour l’aider tous les jours, mais surtout pour la regarder avec tendresse et émotion. Le compte de résultat est le suivant, une seule femme à l’actif durant toute cette période, au passif ce n’est pas moins de quatre machines à laver qui y sont passées durant tout ce temps, l’acier duquel vous êtes fait est inébranlable. La somme des années est allée trop vite. Dans votre mémoire, vous aimeriez encore avoir trente ans et recommencer, cette fois avec le même regard mais avec plus d’attention pour mieux regarder les années qui ont coulé pour tout inscrire dans votre mémoire. Cette fois-ci, vous apprendriez à savoir faire marcher le lave-vaisselle, ce ne doit pas être si compliqué après tout, vous feriez de la sorte un grand pas en avant, sans doute plus grand que les deux astronautes en 69. Maintenant vous en êtes certain, votre héros c’est elle, elle a des rides aux coins des yeux, s’est voutée un tout petit peu, ses chaussures de running ne lui servent plus qu’à aller au marché faire des emplettes, mais elle est toujours belle à vos yeux.
Entre les héros sportifs, les héros de fiction, les héros politiques qui n’en sont que le jour de leur élection, il y a aussi les héros du quotidien: vous quand vous allez faire des courses au supermarché pour la gentille dame qui est votre voisine ou vous quand vous faites le bbq dominical pour la famille ou que vous avez tondu la pelouse, ou encore, quand vous avez réparé la serrure du portail cassée depuis la nuit des temps, ou enfin, quand vous allez chercher votre fille de 16 ans à minuit à la sortie de la boum ou mieux encore, vous quand vous annulez votre partie de golf avec vos potes pour aller voir votre belle-mère tout en souriant à votre moitié.
Les vrais héros se cachent dans toutes les maisons. Les vrais héros ne volent pas pour secourir la veuve et l’opprimé, ils passent aussi l’aspirateur et même Superman a appris à lancer le lave-vaisselle programme intensif. Vous, vous êtes le héros de l’Olympe pour quelqu’un, il sommeille en chacun de nous … au moins pour un moment, un jour, juste un jour, parce que… comme disait David: “we can be Heroes just for one day” !